Pour mon projet de fin d’études à l’ENSAD, je suis partie dans les « nouveaux territoires » chinois tourner un film expérimental court “Made in/by HongKong”. Il s’agissait de Shenzhen, le chantier pharaonique du moment, à l’heure de la rétrocession de Hong Kong à Pékin. Une des villes les plus connectées et les plus globales du monde – un lieu étroit et densément peuplé où le droit occidental, la culture chinoise, le design japonais, le financement américain et la cupidité des sept continents se sont mélangés. Les questions d’identité post coloniale, les frontières, les flux migratoires et financiers, l’expansion folle de l’urbanisme exerçaient sur moi une sorte de sidération pétrie d’inquiétudes. Nous étions à la veille de l’an 2000 et tou.te.s un peu bercé.e.s par la croyance que cette date portait en elle un changement radical.
J’avais 20 ans, la science-fiction et la réalité se rencontraient sous mes yeux : j’ai débarqué à Hong Kong sans beaucoup d’images en tête, sans grand recours à une data base d’internet encore maigrichonne. Je suis repartie d’Hong Kong avec une
adresse email et mon film qui finalement interrogeait la question de la mémoire collective empilée dans ces “datas” tours. En un an, j’étais devenue ultra connectée, mondialisée, globale, augmentée et redécouvrait Paris comme un village pittoresque et piéton. Je me souviens m’être sentie privilégiée d’avoir 20 ans et aspirante artiste pour participer à la traduction de l’émergence officiellement inquiétante d’une seconde nature visible et invisible si vaste, à la fois technologique, industrielle structurant les flux de matière, de datas et d’énergie à l’échelle du globe à une vitesse inédite. Intimement, je ressentais le désarroi d’une héritière candide mise à l’abri de la célébration de la fertilité technique, avant même qu’elle soit apprivoisée, avant d’en réfléchir les limites et d’en assumer les responsabilités.
Ces questions, et les affects complexes qui en découlent guident toujours ma pratique
artistique. La modernité techno-scientifique a bouleversé le rapport qu’entretient l’espèce humaine avec la vie et les milieux dans lesquels elle s’insère. Chacun de mes projets ont mis dès lors en lien une technologie, la confrontation d’un sujet et de la matérialité d’objets réel et/ou virtuel.